1912 - Débuts de l'aviation militaire

Devant les progrès très rapides de l'aviation entre 1909 et 1911, l'état-major avait tout de suite envisagé les avantages qu'il pouvait tirer de ce nouveau moyen d'observation. Jusqu'alors, le repérage des déplacements de troupes et les réglages de tir de l'artillerie étaient faits lors des manœuvres grâce aux services des ballons ronds captifs dits ballons de Place. Le manque de mobilité de ce moyen d'observation par rapport à la mobilité grandissante des unités en campagne qui utilisaient maintenant l'auto pour tracter hommes et matériel avait d'abord amené l'état-major à utiliser les gros ballons dirigeables dont nous verrons l'histoire par ailleurs. Mais ces mastodontes lents et gonflés au gaz étaient une proie très facile pour les batteries d'un ennemi éventuel. L'avion présentait les avantages de la mobilité et de la rapidité relative, il devenait un atout capital dans un éventuel conflit à condition d'en posséder beaucoup... Mais un avion coûtait cher !

Le 15 janvier 1912, les Vosgiens apprenaient par la presse locale que l'Association Générale Aéronautique venait de constituer un Comité pour faire doter la France, par chaque département, d'avions qui seraient offerts au Ministre de la Guerre, et qui porteraient les noms des départements et des villes qui les avaient donnés. Ce fut immédiatement un grand élan en faveur de l'Aviation Militaire. Le Gouvernement fut le premier à donner l'exemple. Monsieur Millerand fit inscrire au budget la somme de 20 millions pour la "quatrième arme". Le Mémorial des Vosges ajoutait même dans son édition du 20 février "... La Nation frémissante veut faire plus encore ; elle entend participer de son argent, en dehors du budget, et participer de son cœur à l'œuvre de défense et de résurrection .... Cette patriotique idée a déterminé dans le grand public, parmi la jeunesse des écoles et les étudiants, un grand enthousiasme."

Dès le 25 février, une souscription est ouverte à Bains-les-Bains où le conseil municipal vote un crédit de 100 francs. Le lendemain, le conseil municipal d'Epinal ouvre une souscription "Pour les aéroplanes de Guerre" en votant un crédit de 1000 francs à l'unanimité. Il faut dire que les spinaliens étaient d'autant plus exaltés par ce mouvement qu'ils avaient appris le 24 janvier 1912 qu'un aérodrome militaire allait être construit à Dogneville. Le futur centre d'aviation devait être équipé de quatre hangars métalliques de 50 mètres avec des ateliers, un casernement pour les sapeurs aérostiers chargés de l'entretien des installations et de la garde du terrain. Il y aurait aussi des logements pour les Officiers et les Sous-Officiers aviateurs.

Le 27 février, c'est à Saint-Dié que se forme un Comité pour l'Aviation Militaire. Le président d'honneur est le Général Raffenel, commandant la 82ème Brigade.

Le 2 mars, l'Automobile Club Vosgien propose de constituer un Comité Central Départemental pour centraliser toutes les souscriptions vosgiennes. Le lendemain, dimanche 3 mars, a lieu une réunion à 14 heures 30 dans la grande salle de la Mairie d'Epinal sous la présidence d'honneur du Préfet des Vosges et du Général gouverneur de la Place.

L'Automobile Club souscrit pour 2 500 francs et chacun des douze membres souscrit personnellement pour 100 francs.

Le même jour, une souscription est ouverte à Bruyères. Le 152ème R.I. donne dans l'après-midi une récréation musicale et dramatique au Quartier. Le prix des places est destiné à l'aviation militaire.

Vue à travers la presse de l'époque, cette collecte semble avoir éveillé pas mal de passions et donné lieu à une véritable compétition. Une lettre publiée le jeudi 14 mars 1912 dans le Mémorial des Vosges montre bien à quel point les esprits étaient surchauffés par la collecte :

" S'il faut en croire la Municipalité d'Uzemain, tous les habitants de la commune ne sont pas des Français et des patriotes, car pour la souscription nationale en faveur des aéroplanes de guerre, un peu plus de la moitié seulement ont reçu la visite des délégués chargés de recevoir les dons ; les autres, on ne sait pour quel motif, ont été évincés. Que ceux qui verront le faible total de la souscription de la commune d'Uzemain ne doutent pas, cependant, du patriotisme de ses habitants, car presque tous les oubliés auraient donné de bon cœur, s'ils avaient été informés de la collecte. Or il faut le dire, celle-ci s'est faite sans aucune publication. "

Signé "Un oublié".

La collecte d'Uzemain avait rapporté 174 francs 50 dont 50 francs versés par la commune et 124 francs 50 par ses habitants.

Pendant tout le mois de mars, des Comités vont se former dans toutes les communes des Vosges ; à Raon-l'Etape, les carriers s'inscriront pour une journée de salaire ; à Portieux, c'est le bal de la mi-carême qui sera organisé au profit de l'aviation et le 8 avril à Cornimont aura lieu une Grande Cavalcade pour l'avion.

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