Les pionniers de l'aviation militaire dans les Vosges - 1912

Le 17 avril 1912 à 19h20, trois jours après la fameuse kermesse au profit de l'aviation militaire organisée par le Comité du Quartier Pinau, le Lieutenant Bruncher, du 8ème Régiment d'Artillerie à Pied atterrit sur le plateau de la Louvroie.

A cette époque, les aviateurs militaires étaient tous des volontaires qui provenaient des différentes armes, en particulier de l'Artillerie et du Génie. Bruncher était volontaire dans l'aviation depuis 1911. Il avait quitté Reims à bord de son monoplan Deperdussin de 50 CV, le CD6 à 16 heures et avait effectué le trajet sans escale.

Le terrain de Dogneville n'étant pas encore créé, et l'aviation n'étant pas encore considérée comme une arme à part entière, les aviateurs dépendaient de l'aérostation. C'est pourquoi le terrain des dirigeables de la Louvroie fut, en fait, le premier terrain d'aviation militaire des Vosges.

A 19h20 donc, le Lieutenant Bruncher se présente à l'atterrissage sur l'aire de manœuvre des dirigeables. Le terrain est mal adapté à ce genre d'exercice et l'avion, après avoir pris contact avec le sol buta contre un tas de cailloux. Les deux roues furent voilées et l'hélice brisée, mais l'aviateur était indemne. Peu de temps avant son atterrissage, l'avion avait été remarqué avec beaucoup de curiosité lors de son passage à faible altitude au-dessus de Neufchâteau par de nombreux habitants qui attendaient pour l'admirer... une éclipse de soleil !

L'avion de Bruncher était le premier à atterrir à Epinal. L'événement ne passa pas inaperçu, et une foule de curieux vint admirer l'appareil et fêter son pilote.

Le 24 avril, après avoir réparé l'hélice et les roues de son engin, le Lieutenant Bruncher quitte la Louvroie vers 6h15 du matin pour aller atterrir à Charmes.

 

Bruncher était le gendre de l'ancien Directeur de l'Ecole primaire supérieure de Charmes, et il allait rendre visite à sa famille. Il faut dire que les premiers aviateurs étaient très indépendants, il n'existait encore aucun plan de vol ; le fameux "carnet d'emploi du temps" qui deviendra plus tard "carnet de vol" ne sera créé que fin 1912. Les aviateurs volaient donc en toute liberté pour améliorer les records de distance ou pour accumuler les heures de vol.

Bruncher atterrit à Charmes près de la ferme de la Voivre. Toute la journée, l'appareil reçut la visite de la population et des écoliers dont on imagine assez facilement l'émerveillement.

A 18 heures, après avoir reçu de nombreux bouquets offerts par des admirateurs et les enfants des écoles, le Lieutenant Bruncher évolua un moment au-dessus de la foule venue assister à son départ, puis il se dirigea vers Epinal.

Trois jours plus tard, le samedi 27 avril, il survole la revue des troupes du 43ème Territorial au Petit Champ de Mars.

Le 2 mai, le Lieutenant fait une démonstration au-dessus du terrain de la Louvroie. Une foule d'environ 800 personnes était venue pour assister à ses évolutions.

Le lendemain, 3 mai 1912, il s'envole en direction de Reims. A 5h30 du matin, alors qu'il survole Mirecourt, son moteur a brusquement des ratés et le Lieutenant est obligé de trouver un endroit pour atterrir immédiatement. Il était alors au-dessus de Ravenel. Il se pose dans un champ des environs. L'atterrissage est un peu rude, et, au contact avec le sol mal nivelé, l'hélice et une roue se brisent. Par chance, l'aviateur s'en tire encore une fois indemne. Après avoir remisé son avion dans un hangar de la ferme Marchal où il reste à la garde de la gendarmerie, le Lieutenant prend le train à 7h30 pour Epinal afin d'aller chercher des pièces de rechange.

C'était le premier atterrissage d'aéroplane qui se produisait à Mirecourt. Comme à Charmes et à Epinal, la population se porta en masse à la ferme Marchal. Les maîtres d'écoles conduisirent leurs élèves pour admirer la merveilleuse machine volante, et les luthiers donnèrent congé à leurs ouvriers dès 17 heures pour qu'ils puissent eux aussi partager "l'événement du siècle".

Le Lieutenant Bruncher revint en voiture au début de l'après-midi avec les pièces de rechange nécessaires à la réparation de son engin et, vers 17h45 il exécute une série de vols d'essai au-dessus de la ferme du Joly en présence d'une foule nombreuse.

Le lendemain matin, 4 mai, il s'envole enfin pour Reims. Malgré l'heure matinale, il était 5h10, de nombreux curieux étaient venus applaudir son envol. Une dépêche affichée à la devanture du magasin de Monsieur Bougel (buraliste rue de l'Hôtel de Ville) annonça qu'il était arrivé à Reims à 7h14, couvrant ainsi la distance Mirecourt-Reims en deux heures environ.

C'est ensuite le 27 juin 1912 que le Lieutenant aviateur Schlumberger, venant de Lunéville à bord, lui aussi, d'un monoplan Deperdussin, atterrit dans la soirée sur le terrain de la Louvroie. Il repart en direction de Belfort le dimanche 30 juin en fin d'après-midi. Il se dirige d'abord vers Bois l'Abbé pour saluer par quelques évolutions ses amis de la Garnison d'Epinal qui passaient l'après-midi au Champ de Courses, puis, vers 17 heures, il survole Epinal "à grande vitesse et à haute altitude" diront les journalistes de l'époque. Ce sera le premier avion à survoler Plombières.

Après Bruncher et Schlumberger, c'est le Lieutenant Des Prez de la Morlaix qui rend visite à Epinal. Le dimanche 7 juillet 1912, venant de Verdun, il évolue lui aussi au-dessus de Bois l'Abbé. Lieutenant au 4ème Chasseur d'Epinal, demeurant Rue des Soupirs, il voulait lui aussi saluer ses camarades qui aimaient se retrouver au Champ de Courses, rendez-vous dominical de la bourgeoisie spinalienne. Son intention était d'atterrir sur la pelouse du Champ de Courses afin de se joindre à eux, mais il se rendit compte que le terrain était trop court pour effectuer sa manœuvre. Il eut alors l'idée de détacher une feuille de son calepin et d'y griffonner ce message qu'il lança à l'intention du Président du Cercle Hippique Monsieur Jeandidier :

"Amitiés à tous les spinaliens et particulièrement au 4ème Chasseur et au sympathique Comité des Courses - A bientôt - En aéroplane.

De la Morlaix"

Il se dirigea ensuite sur Epinal, évolua au-dessus de la ville, vira dans la direction de Dinozé et disparut en direction de Verdun vers 17h35.

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