Les heures sombres (5)

Il est évident qui la population d'Epinal, et tous les Vosgiens, avaient été bouleversés par cette terrible journée du 20 octobre qui avait fait trois victimes chez les aviateurs qu'ils vénéraient.

Les obsèques de d'Autroche eurent lieu le mercredi 22 octobre. A 8h30 du matin, un service fut célébré à la Chapelle de l'Hôpital Saint Maurice, puis le cercueil fut mené, en cortège par le Quai des Bons Enfants jusqu'à la gare où il fut transporté à Paris pour être enterré au cimetière de Passy dans le caveau de sa famille.

Guy de Laynes d'Autroche était né à Rouen le 22 juin 1890. Après avoir passé son brevet de pilote militaire à l'école Maurice Farman de Buc, il avait été affecté au Centre d'Epinal où il était arrivé le 1er janvier 1913, le lendemain du drame de Remiremont qui avait pour la première fois endeuillé la grande famille des aviateurs vosgiens.

 
Le cortège Quai des Bons Enfants
 
La foule à la gare

On connaît mal les causes exactes de l'accident. Après avoir effectué sa descente en piqué, d'Autroche a voulu redresser l'appareil, et il semble que ce soit à ce moment que les ailes, sollicitées par un brusque effort pour reprendre de l'altitude, se soient brisées. Restait-il une certaine fragilité dans les superstructures de l'appareil, qui aurait échappé à la vigilance des mécaniciens depuis le premier accident de d'Autroche à Saint-Dié le 25 juillet ? Ce n'est qu'une hypothèse qu'il est impossible de vérifier maintenant.

La veille de l'enterrement de d'Autroche, son camarade Quennehen avait tenu à lui rendre un dernier hommage en évoluant vers 15h30 au-dessus de l'endroit où l'avion s'était écrasé, puis au-dessus de la ville.

Le 9 janvier 1914, l'avion baptisé "La Haute-Marne" construit avec les fonds recueillis par ce département est affecté à l'Escadrille MF5 d'Epinal en remplacement de celui de d'Autroche. Il sera confié au jeune Caporal Robert Labat. Il doit normalement arriver à Epinal le 5 avril. Le Centre d'Epinal, au début de 1914 était toujours constitué de trois escadrilles : la MF5 qui possédait 6 biplans Maurice Farman, la BO9 équipée de 3 monoplans Borel, et la BL18, escadrille de monoplans Blériot commandée par le Capitaine de la Morlaix, qui comprend 6 appareils.

C'est un Blériot d'Epinal, piloté par le Lieutenant Quillien qui va participer à la Grande Semaine d'Hiver à Gérardmer de 1914.

Le dimanche 25 janvier, il atterrit sur le lac gelé entouré d'une foule très nombreuse venue pour l'ouverture des festivités.

Le dimanche suivant, en l'honneur de la fermeture de la Grande Semaine, c'est le Maréchal des Logis Pinsart des Chasseurs à cheval qui atterrit à 1 heure de l'après-midi, lui aussi à bord d'un Blériot d'Epinal, sur le lac gelé à proximité de la patinoire.

   

C'était la première fois qu'un avion atterrissait à Gérardmer et en souvenir de cet événement, la Société des Sports d'Hiver fit frapper deux médailles commémoratives qu'elle offrit aux deux aviateurs. Cette médaille grand module représentait à l'avers une scène de patinage et au revers un avion en plein vol.

Au mois de février 1914, les conditions atmosphériques n'étant guère favorables, les aviateurs du Centre d'Epinal cessent leurs entraînements en vols de nuit et se contentent de vols de routine vers des terrains annexes de Mirecourt et Neufchâteau où des hangars pouvaient abriter leurs appareils.

Le 2 février, Quennehen et Paichart atterrissent à "Mirecourt-Aviation" à 3 heures de l'après-midi et ils repartent à 4 heures pour Epinal.

Le 4 février, deux biplans et un monoplan atterrissent sur le terrain de Neufchâteau vers 11 heures et en repartent à 1h45.

Les vols de nuit reprennent début mars.

Au mois de mars, on apprend que trois nouveaux avions sont affectés au Centre d'Epinal :

Le 15 mars 1914, un biplan offert à l'Armée par la ville de Vichy atterrit vers 9h30 sur l'aérodrome de l'Etablissement de Vittel. Il avait quitté Gray dans la matinée pour se rendre à Nancy. Le lendemain dans l'après-midi, au moment du départ, un violent coup de vent renverse l'appareil qui est complètement détruit. Etrange destinée : offert par une ville d'eaux, il est détruit dans une autre ville d'eaux... par un coup de vent !!

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