La Première Guerre Mondiale (1)
Depuis le début de 1914, les relations internationales étaient extrêmement tendues entre l'Allemagne et la France. Nos aviateurs le savaient et, il est évident que depuis longtemps ils pensaient que l'avion serait une arme efficace dans une guerre éventuelle. A Dogneville, ils s'entraînaient même à effectuer des bombardements en piqué. A cette époque, la guerre était uniquement terrestre, l'aérostation n'était utilisée nous l'avons vu, que pour des missions d'observation, les ballons étant captifs, ils ne pouvaient être utilisés que sur un terrain ami. Les dirigeables pouvaient survoler le terrain ennemi, mais ils étaient lents, gonflés à l'hydrogène c'étaient de véritables bombes volantes et ils nécessitaient au sol des installations très importantes. L'avion, lui, était plus rapide et plus sûr.
En cas de conflit entre la France et l'Allemagne, l'aviation devait pouvoir agir rapidement à la frontière. Mais les terrains équipés de hangars dans les Vosges se trouvaient à Epinal, Vittel et Neufchâteau c'est-à-dire trop éloignés de la frontière pour pouvoir effectuer des missions rapides et limiter les ravitaillements en carburant. C'est pourquoi en avril 1914 de nombreux vols sont effectués dans la direction de Saint-Dié non seulement par les aviateurs vosgiens mais aussi par des aviateurs militaires venus de Nancy, de Toul, de Verdun, dont le rôle était de défendre nos frontières. Bien sûr, à cette époque, une prairie pouvait servir d'aire d'atterrissage en cas de nécessité, mais le ravitaillement en carburant pouvait poser des problèmes à des appareils dont l'autonomie de vol était très courte. Il fallait donc trouver des terrains susceptibles d'être aménagés plus près de l'Alsace.
Le 21 avril 1914, deux avions atterrissent vers 10 heures à Sainte-Marguerite. L'un d'eux était un biplan du Centre de Verdun, il repart pour Verdun en faisant un arrêt à Raon-l'Etape. Dans l'après-midi, c'est un monoplan d'Epinal qui atterrit dans un pré à Foucharupt, près de la propriété Mirbeck, il n'avait pas trouvé le terrain de Sainte-Marguerite.
Durant tout le mois d'avril, de nombreux avions atterriront à Saint-Dié pour étudier la possibilité de créer des terrains militaires.
Le mois de mai 1914 voit se dérouler d'importantes manœuvres dans la région de Nompatelize auxquelles assiste l'aviation.
L'Escadrille d'Epinal avait reçu le 16 mai le monoplan "Jeanne d'Arc II" offert à l'Armée par les Etablissements d'Enseignement Libre de France. Il avait fait étape à Vittel pour reconnaître l'installation du terrain.
C'est aussi au mois de mai 1914 que les habitants du Val d'Ajol verront leur premier avion. Le 22 mai en effet, le Blériot "le Drapeau" piloté par le Maréchal des Logis Houssemand avec le sapeur Vial atterrit "en catastrophe" dans un champ de seigle à proximité de la gare vers 5 heures du soir. L'hélice et une roue sont brisées.
Au mois de juin 1914 nos aviateurs vont effectuer des vols de longue durée. Ils étaient maintenant persuadés que seule l'aviation serait capable de s'introduire dans le ciel ennemi le plus loin possible... mais l'état-major l'était-il aussi ?
Le 5 juin 1914 vers 7 heures du soir, le Lieutenant Quillien rentre à Dogneville sur son biplan après une journée entière de vol. Il était parti vers 6 heures du matin, il avait fait Epinal-Reims aller et retour, puis Epinal-Châlons-sur-Saône aller et retour et enfin Epinal-Neufchâteau-Vittel-Epinal. Il avait couvert 960 kilomètres dans la journée.
Le 12 juin, alors que l'Escadrille Farman effectue un vol jusqu'à Châlons-sur-Marne avec pour pilotes le Capitaine de Saint Quentin, le Lieutenant d'Abrantès, le Maréchal des Logis Varcin, la Caporal Lemaître et le sapeur Poivre, Quennehen bat le record militaire de longueur de vol en restant 13h30 dans les airs pour 1 000 kilomètres parcourus. Il effectue le trajet Epinal, Nancy, Châlons, Epinal, Nancy, Epinal, Bayon, Epinal, Bayon, Dompaire, Epinal sans se poser. Il est arrivé à Dogneville à 7 heures du soir.
Le jeudi 18 juin, le Centre d'Epinal reçoit la visite de l'Escadrille Nieuport "N12" de Reims, mais les conditions atmosphériques sont très mauvaises, un avion est obligé à atterrir près d'Uxegney, un autre près de Saint-Vallier avant de pouvoir rejoindre Dogneville pendant une accalmie. Il faut rappeler qu'à cette époque, les aviateurs pilotaient "à vue".
Nous arrivons à juillet 1914. Les Vosgiens venaient d'apprendre l'attentat de Sarajevo, de nombreux Alsaciens commencent à venir se réfugier dans les Vosges.
Entre le 1er et le 14 juillet, tous les jours, les pilotes de l'Escadrille Blériot emmènent comme observateurs des Officiers des différentes armes de la Place de Belfort, de Toul, de Verdun. Le motif officiel de ces vols est l'organisation de grandes manœuvres de forteresses dans tout l'Est de la France.
Le terrain de Saint-Dié est amélioré et transformé avec le reste de la souscription de 1912. Un terrain est aussi amélioré à Remiremont, un autre à Mirecourt plus à l'arrière.
Le 2 juillet, c'est l'Escadrille Henri Farman de Toul qui vient à Dogneville pour effectuer des vols de reconnaissance dans la région.
Le 30 juillet, l'autocar qui faisait le service entre Saint-Dié et Sainte-Marie est arrêté et confisqué par les Allemands.
Le 1er août, les communications avec l'Alsace sont interrompues et la frontière est fermée. Vers 17 heures, les Vosgiens apprennent l'ordre de mobilisation générale.
Le 3 août, nous sommes en guerre contre l'Allemagne.
A l'ouverture des hostilités, l'état-major était persuadé que la guerre serait courte, il était donc inutile de développer les moyens aériens qui avaient déjà été favorisés en 1913 par suite de la Souscription Nationale de 1912. L'avion était avant tout destiné à la reconnaissance et à l'observation et, par manque de plan d'ensemble d'utilisation de cette nouvelle arme, les pilotes n'avaient aucune directive précise et c'est de leur propre initiative et selon leur inspiration qu'ils effectuent des vols de reconnaissance dont les résultats sont par ailleurs peu exploités, même par les artilleurs. C'est aussi de leur propre initiative que, dès le début de la guerre, les pilotes vont s'armer de revolvers et de carabines pour défier le pilote ennemi, l'obliger à rebrousser chemin, à atterrir et aussi, pour l'abattre.
Pilotes et mécaniciens
Le pilote et son mécanicienQuelle était l'activité du Centre de Dogneville au début de la guerre ?
En août 1914 s'y trouvaient trois escadrilles :
- la MF5 constituée de constituée de 6 avions biplans Farman de type 7 et 11
- la BO9 avec 6 monoplans de type Borel
- la BL18 équipée de Blériot type XI.
Biplan Farman type 7Nos troupes au sol effectuent une offensive vers le Rhin dans le but de libérer l'Alsace de l'occupation allemande. Les Vosgiens apprennent successivement la libération de Thann, Cernay puis Mulhouse.
Le 10 août, nos soldats sont maîtres des crêtes des Vosges, les cols du Bonhomme, de Sainte-Marie et de Sâales sont occupés. Tous les poteaux frontière sont abattus. Nos avions effectuent de nombreuses missions d'observation.
La MF5 est rattachée à l'Armée du Général Dubail, l'état-major avait décidé de spécialiser cinq escadrilles Farman dans les missions de bombardement, la MF5 en faisait partie.
La BO9 et la BL18 avec la 1ère Armée participent à la bataille d'Alsace puis à la bataille de Sarrebourg, ensuite à la bataille de la Mortagne.
Pendant cette grande offensive l'aviation d'Epinal était souvent aidée dans ses missions par des aviateurs venus de Belfort.
Le 5 août 1914, le Lieutenant Trétarre de l'Escadrille BL3, future "Escadrille des Cigognes", parti de Belfort pour une mission au-dessus des Vosges se tue près d'Epinal. Il était la première victime de l'aviation en temps de guerre dans notre région.
Dès le 20 août hélas, nos troupes commencent à reculer devant une contre-offensive allemande. Saint-Dié va être occupée et l'ennemi s'avance sur la Mortagne.
Le 26 août, trois appareils de la BL3 de Belfort partis de Dogneville lancent des bombes sur des rassemblements ennemis observés dans la région de Sâales-Senones.
Le 28 août, les Vosgiens apprennent la première victoire de nos aviateurs dans notre région. Un Aviatik allemand, le B219 est contraint à atterrir entre Rambervillers et Grandvillers. C'est aussi le 28 août que Dogneville reçoit la BL3 de Belfort. Elle restera à Epinal jusqu'au 5 septembre, date de son départ pour Chaumont. Pendant ces quelques jours, la MF5 qui avait été très active depuis le début des hostilités va remplacer la BL3 à Belfort et y prendre un peu de repos.
Le 30 août, c'est près du Haut Jacques qu'un appareil ennemi est abattu.
En septembre 1914, le front se stabilise, l'ennemi qui avait avancé jusqu'à la trouée de Charmes était bloqué à la Chipotte ; puis il doit reculer, Saint-Dié est libéré le 11 septembre.
L'année 1914 avait été éprouvante pour nos aviateurs, mais la 5ème Arme n'était pas encore bien organisée et seul le terrain de Dogneville avait été utilisé.