Les ballons Ronds au Quartier Renard à la Louvroie (1)

Dans les années 1910, l'Etat Major pensait qu'une guerre éventuelle ne pouvait être qu'un conflit de courte durée, donc basé sur l'extrême mobilité des unités et du matériel. C'est pourquoi, dès 1911, l'Etat Major va supprimer les compagnies d'aérostiers, ne conservant que celles des Places Fortes de l'Est où elles devaient servir de protection aux Ports d'Attache pour dirigeables.

À partir de 1912, les ballons ronds de la Place d'Epinal qui avaient leur hangar à La Gosse et étaient utilisés par les aérostiers venant de Versailles pendant les manœuvres vont être installés à la Louvroie avec une compagnie d'aérostiers qui resteront sur place au Port d'Attache des dirigeables. Mais ils disposaient d'un matériel ancien et peu adapté.

Il est vrai que le ballon sphérique captif de 750 m3 n'était guère utilisable dans une guerre de mouvement. Dépendant d'un treuil à vapeur hippomobile tiré par huit chevaux, d'une voiture à hydrogène, il fallait en outre environ cent cinquante hommes de troupe pour en assurer la manœuvre. Autre inconvénient : ce ballon sphérique ne pouvait pas tenir l'air par un vent de plus de 10 mètres par seconde. L'armée allemande, par contre, possédait un ballon captif de forme allongée avec empennage, plus stable et tenant par un vent de 15 mètres par seconde : le Drachen.

Le manque de mobilité du ballon sphérique de 750 m3 confinait donc celui-ci à l'intérieur des Places Fortes et, au mois d'août 1914, pendant les premières semaines de guerres, nos ballons étaient inexistants dans le ciel au-dessus du front. Cependant les Drachens allemands, profitant du temps magnifique, s'élevaient au-dessus des lignes pour repérer nos batteries et le déplacement de nos troupes, ajoutant à leur efficacité pour le réglage du tir de leur artillerie, un sentiment d'insécurité et d'amertume chez nos soldats qui se rendaient compte que notre ciel était vide. Il est vrai que nos artilleurs équipés à ce moment surtout de canons de 75 étaient assez inefficaces contre les 105 allemands, et tout le réglage de tir, même fait par un observateur en ballon, ne servait à rien.

Les premiers jours de guerre vont donner raison à l'Etat Major. Nos troupes progressent rapidement en territoire ennemi : Thann, Cernay, Mulhouse sont libérées dès le 7 août ; mais le 20 août, nos troupes se replient et le 25, les Allemands sont aux portes de Saint-Dié. Mais le front vosgien va se stabiliser.

Affecté à la place d'Epinal, le capitaine Saconney, qui commandait une section de cerfs-volants d'expérience va profiter du ralentissement de la progression des armées allemandes pour prouver que le ballon rond pouvait encore être utile.

Il propose au Gouverneur de la Place de travailler pour la 1ère armée en organisant une section automobile d'aérostiers capable de sortir un ballon sphérique des limites de la Place pour le porter sur le front. L'ancien treuil hippomobile à vapeur est remplacé par le treuil automobile de la section des cerfs-volants ; le matériel et le personnel étant transporté par camions et autobus, ce qui permet au capitaine Saconney de faire chaque jour jusqu'à 40 kilomètres et de rentrer le soir à la Louvroie.

À partir du 28 août 1914, les ballons d'observation d'Epinal participent activement à la bataille en s'installant dans le secteur de la Mortagne. Pendant 14 jours, relié téléphoniquement avec les premiers canons lourds de 120 et 155, le ballon règle les tirs de l'artillerie et remonte le moral des fantassins, qui s'aperçoivent enfin que notre ciel n'est plus vide.

Durant quatorze jours, aérostiers et artilleurs travaillent ensemble contre la position allemande Domptail-Moyen, ils découvrent des fortifications de campagne, repèrent et prennent à partie à Domptail, au bois de Haut du Zaumont, au bois de la Paxe et au bois des Charbonniers neuf batteries d'obusiers et des batteries de campagne ennemies.

Le 2 septembre 1914, le ballon est mis au treuil en avant de la route d'Hallainville à Fauconcourt.

L'exemple du capitaine Saconney est vite suivi. Certes, le ballon rendait de bons services aux artilleurs, mais aussi il réconfortait le soldat au sol, car on remarquait que le tir de l'artillerie ennemie se faisait beaucoup moins intense de peur de se faire repérer quand le ballon était au bout de son câble.

Dès le 5 septembre 1914, deux autres sections de la 22ème Compagnie de Place prendront position sur le front des Vosges. Une dans le secteur de Rambervillers commandée par le capitaine Devaux et l'autre dans le secteur de Saint-Dié commandée par le capitaine Delassus. La 22ème Compagnie qui avait été créée le 2 août 1914 à Epinal fut dissoute le 1er octobre 1914 et remplacée par la 19ème Compagnie créée le 1er janvier 1914 à Epinal comme élément de la 41ème Division.

La 19ème Compagnie d'aérostiers, qui sera commandée successivement par le capitaine Bacon, qui se tuera en avion et sera alors remplacé par le capitaine Vernes, puis par le lieutenant Veinart, arrive à Saint-Dié le 4 février 1915.

Le 18 mars 1915, le ballon de Saint-Dié ayant rompu son câble, est emporté par un vent violent au-dessus de Senones, puis vers les lignes allemandes, il touche terre près de Strasbourg ce qui permet aux deux observateurs, le sous-lieutenant Miot et le sergent Vaton de sauter au sol ; le ballon ainsi délesté reprit son vol jusqu'en Suisse !

Sommaire
Suite