Création de l'Aéro-Club des Vosges et du terrain d'aviation de Sainte-Marguerite

Dès son arrivée à Saint-Dié, Charles Roux avait réuni autour de lui un groupe de déodatiens attirés par l'aviation, et le 7 avril 1909, après une causerie sur "l'Aviation et son avenir", l'ingénieur et trente-deux fanatiques lancent l'idée d'un "Aéro-Club Déodatien". À l'issue de cette réunion, un premier Comité est constitué comprenant les trente-deux membres présents. Un avis passé dans la Gazette Vosgienne du lundi 12 avril 1909 propose aux membres de l'Aéro-Club déodatien qui désirent faire des essais de vol plané, de se trouver le matin même à 9 heures au 61 rue d'Alsace d'où ils se rendront à Saint-Roch ou à la Côte Saint-Martin, suivant la direction du vent. Ce fut certainement la première expérience de vol qui ait eu lieu dans les Vosges.

Quelques jours plus tard, les membres fondateurs et adhérents de A.C.D. se réunissent en assemblée générale. Ils forment un Conseil d'Administration. Le président est Eugène Kempf.

Le 1er mai 1909, l'aviateur parisien Emile Bonnet-Labranche, invité par l'A.C.D., donne une conférence retraçant l'histoire de l'aviation des origines jusqu'à Farman et aux frères Wright. Il semble que la création de l'Aéro-Club Déodatien n'ait pas remporté dans la population le succès escompté par ses instigateurs Charles Roux et Emile Bonnet-Labranche. Les déodatiens, en bons vosgiens, ont toujours eu "les pieds sur terre" et ils ont assez mal accepté, au début, la création de ce cercle de privilégiés qui réunissait des parisiens inconnus et des industriels qui voyaient dans l'aviation une source de profit éventuel. En présentant le conférencier à un public assez restreint, le président Kempf donna quelques explications sur la création de la nouvelle Association : " Quand dernièrement nous avons parlé de fonder l'A.C.D., nous avons rencontré beaucoup de sceptiques, de nombreux sourires se sont esquissés. On ne voyait dans cette création qu'une affaire commerciale et l'on croyait déjà envolé l'argent qui n'avait pas encore été versé. Notre but est tout autre, et notre Société, je l'affirme hautement, n'est pas et ne doit pas être une entreprise commerciale, pas plus que politique ; et, pour employer une expression de circonstance, nous voulons planer au-dessus des partis. "

Le lendemain, dimanche 2 mai, a lieu à Epinal une réunion de l'Automobile Club ; l'ordre du jour est la création d'une section Aéronautique et l'affiliation à l'Aéro-Club Déodatien. À l'issue de cette réunion, l'Aéro-Club Déodatien est transformé en Aéro-Club Vosgien avec son siège social à Saint-Dié, le vice-président sera choisi parmi les membres adhérents d'Epinal.

La nouvelle société est officiellement déclarée le 30 juin 1909 sous l'appellation "Aéro-Club des Vosges", siège social Saint-Dié, Grand Hôtel de la Poste, avec pour but : "constituer une société d'encouragement à la locomotion aérienne sous toutes ses formes".

Dans sa séance du 9 juin 1909, le comité de l'Aéro-Club Vosgien décide immédiatement la création d'un aérodrome dans la région de Saint-Dié, une commission est nommée pour étudier les emplacements possibles.

Le 15 août, les déodatiens apprennent par la presse que grâce au dévouement de quelques habitants de Sainte-Marguerite-Remomeix qui ont bien voulu céder des terrains, l'A.C.V. venait de louer un emplacement propice à la construction d'une piste et d'un hangar pour abriter les appareils.

Au moment même où Blériot réussissait son formidable exploit de traverser la Manche sur un avion, les Vosges possédaient déjà une industrie aéronautique qui semblait en plein développement, un club réunissant des passionnés de ce nouveau sport, et un terrain d'aviation qui avait l'avantage d'être situé à proximité immédiate de la frontière.

Cependant, si l'on se penche d'un peu plus près sur le bilan des Ateliers Vosgiens d'Industrie Aéronautique puis de la S.A.E., on s'aperçoit que l'essai d'implantation d'une industrie aéronautique n'a pas donné les résultats espérés. Le fait est que, dès 1910, malgré un catalogue de vente bien fourni où A.V.I.A. propose des Farman, des Demoiselle de Santos-Dumont, des Voisin, des Sommer et des Blériot, la société semble avoir de graves difficultés. On se demande si l'affaire de sous-traitance d'appareils Farman annoncée dans la presse locale fin 1909 n'était pas, en fait, qu'un coup de publicité.

Comment imaginer maintenant qu'un petit atelier comme celui de la société A.V.I.A. puisse être capable, malgré la vingtaine d'ouvriers dont elle disposait, de construire des appareils aussi divers que ceux qu'elle proposait dans son catalogue. Comment imaginer même que la demande ait été assez importante pour que des "inventeurs" tels que Santos-Dumont, Voisin, Sommer et Blériot puissent envisager de faire construire leurs appareils en sous-traitance à Saint-Dié en 1909-1910. Il suffit de comparer le catalogue de vente de la société A.V.I.A. qui propose par exemple :

avec le catalogue de mise en vente aux enchères publiques de tous les avions et de tout le matériel de la société du 12 juillet 1918 suite à de graves problèmes financiers :

pour se rendre compte que les frères Bonnet ne s'embarrassaient pas de scrupules pour baptiser du nom de constructeurs confirmés, des avions qui n'étaient en fait que des copies, si même ils existaient autrement que sur catalogue. En voyant la photographie du monoplan A.V.I.A. tirée en carte photo par Huss, on ne peut que remarquer son étrange ressemblance avec le monoplan Antoinette 20 que Santos-Dumont avait essayé à Issy-les-Moulineaux le 6 mars 1909.

Après être devenue la S.A.E., la société déodatienne, à bout de souffle, fermait ses portes en 1911. Les locaux et le matériel restant et un avion "genre" Goupy I, sont rachetés par les frères Lecomte, mais l'appareil fabriqué par Lecomte et présenté aux fêtes franco-américaines de 1911 restera à l'état de projet.

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