Activité du Centre d'Aviation
en 1912 - 1913 (1)
L'Escadrille MF5 d'Epinal était dotée de six appareils biplans de type Farman. Pendant toute la fin de l'année 1912, profitant de circonstances atmosphériques favorables, les aviateurs vont effectuer de nombreuses sorties.
Le dimanche 20 octobre, jour de la fête patronale de Raon-l'Etape, le Lieutenant Bordage, ami du médecin major Jeanty prend l'air pour rendre visite à ses amis raonnais.
Il atterrit avec son biplan vers 12h30 sur un terrain situé au-dessus de la gare de Raon-l'Etape La Neuveville. Il déjeune chez son ami et reprend l'air avec son ami à bord vers 16 heures devant une foule de raonnais venus pour admirer son Farman.
Quinze jours plus tard, malgré des conditions atmosphériques peu favorables aux premiers avions qui, ne possédant à cette époque aucun appareil de navigation, devaient être pilotés "à vue", le Lieutenant Vogoyeau décolle de Buc où il était allé prendre livraison d'un nouveau biplan. Il doit d'abord se poser à Mailly, puis à Brousseval près de Wassy à cause du mauvais temps. Le dimanche 3 novembre, il décolle de Brousseval, mais il est à nouveau surpris par le brouillard, et se trouve obligé d'atterrir dans un champ labouré à Darnieulles, au lieu-dit "Devant l'Allemand". Comme toujours lors d'atterrissage forcé dans un champ labouré, l'avion fut endommagé. L'aviateur prit alors le train pour Epinal, et revint à Darnieulles en automobile où il arriva à 14h30 accompagné de son mécanicien et de deux sapeurs aviateurs. La roue brisée de l'appareil fut changée, l'avion fut déplacé de quelques mètres sur un terrain plus propice, et le Lieutenant Vogoyeau reprit l'air à 16 heures. Il arriva à Dogneville un moment plus tard, chaleureusement applaudi par plus de 200 personnes venues, comme les dimanches précédents, profiter de la nouvelle attraction que leur procurait le terrain d'aviation.
La mission de l'Escadrille d'Epinal était de renforcer le dispositif militaire de la Place, et d'effectuer des missions spécifiques dans une guerre éventuelle. Depuis le premier atterrissage du Lieutenant Bruncher à la Louvroie au mois d'avril, les aviateurs avaient effectué des vols autour d'Epinal, reconnus des points d'atterrissage possibles : Charmes, Neufchâteau, Vittel (doté même d'un hangar à avions), Raon-l'Etape, sans oublier le terrain civil de Saint-Dié Sainte-Marguerite. Il fallait maintenant que les aviateurs s'aventurent un peu plus loin de leur base et reconnaissent la frontière. La première reconnaissance à la frontière a été effectuée le vendredi 15 novembre 1912. Le Capitaine Loubignac Chef de Centre dirigeait la mission. Il était accompagné des Lieutenants Coville, Battini, Vogoyeau et Grézaud sur leurs biplans Farman. Les avions se dirigèrent d'abord sur Bruyères puis survolèrent la frontière dans la région de Gérardmer.
Pendant que ses camarades effectuaient leur mission de reconnaissance, le Maréchal des Logis Quennehen resté à la base, en profite pour donner le baptême de l'air au Maître d'Armes de Moreau du 149ème Régiment d'Infanterie.
Les jours suivants, l'Escadrille d'Epinal fut occupée à effectuer des expériences de transmission de renseignement avec le sol.
Le dimanche 24 novembre, des avions vont atterrir pour la première fois à Remiremont.
Quennehen, l'aviateur ayant atterri à RemiremontDans l'après-midi, trois biplans quittent Dogneville et remontant la vallée de la Moselle, se dirigent vers Remiremont pour observer le déroulement des manœuvres du 5ème Bataillon de Chasseurs à Pied et du 109 ème Régiment d'Infanterie. Vers 15h50, Quennehen accompagné du Lieutenant Brenans du 149 ème R.I. à bord de son biplan Farman n°38, et le Lieutenant Gignaux à bord du n°36 atterrissent dans la prairie de Sainte-Anne. Le troisième biplan piloté par le Lieutenant Grézaud n'a pas atterri.
Les deux appareils au sol sont immédiatement entourés par la foule des curieux ; les troupes qui se trouvaient sur place, mais aussi de nombreux Romarimontains accourus pour assister à ce spectacle tout nouveau pour eux. En fin d'après-midi, les avions regagnent Epinal par la vallée de la Moselle. Les Romarimontains ne savaient pas, ce jour-là, que ce serait chez eux, quelques jours plus tard, que l'avion ferait sa première victime dans les Vosges.
En effet, le mardi 31 décembre 1912, le temps était magnifique, deux biplans Farman quittent Epinal vers 13h30. L'un est piloté par Quennehen, l'autre par Coville qui avait pour passager l'Enseigne de Vaisseau Bérode. Ancien Officier du Sous Marin Floréal de Cherbourg, Bérode était alors en congé pour deux mois chez son père Commandant Major au 149 ème.
Les deux appareils remontent le cours de la Moselle, laissent Remiremont à leur droite et virent légèrement à gauche pour se poser dans une prairie près de Dommartin. Quelques minutes plus tard, voulant reprendre l'air, Coville remonte dans son appareil et son ami Bérode, resté au sol, "lance l'hélice" pour remettre le moteur en marche. Ils décollent, survolent Remiremont et se posent sur la prairie de Sainte-Anne. Coville arrête le moteur et s'apprête à mettre pied à terre. C'est alors qu'il s'aperçoit que, tel qu'il a arrêté son avion, Quennehen qui le suit n'aura peut-être pas la place suffisante pour atterrir à son tour. Coville décide donc de ranger son appareil sur un côté de la prairie. Pour cela, il fallait remettre le moteur en marche. Son ami Bérode saute de l'avion et veut "lancer l'hélice". C'est alors qu'en passant entre le longeron de droite et l'hélice, il fut fauché par une pale qui l'atteignit derrière la nuque. Conduit immédiatement à l'Hôpital de Remiremont il y décéda le lendemain.
Ses obsèques eurent lieu à Remiremont le vendredi 3 janvier 1913. C'était la première victime de l'aviation dans les Vosges, malheureusement, ce ne fut pas la dernière.
Le lendemain de l'accident, vers 15 heures, devant une foule énorme qui avait pris d'assaut les monticules qui bordent le terrain de Sainte-Anne, Quennehen, encore bouleversé, quitte Remiremont pour Epinal.
Le 2 janvier, il revient à Remiremont pour récupérer l'avion de Coville dont l'hélice avait dû être changée. En remettant le moteur en marche, il s'aperçut que tout l'arbre de l'hélice était faussé et il remit son départ au samedi 4 janvier après avoir assisté aux obsèques de son camarade.
Quennehen sur H. Farman 1911
Quennehen et son mécanicien