Activité du Centre d'Aviation
en 1912 - 1913 (3)
Depuis avril 1909, Saint-Dié possédait à Sainte-Marguerite un terrain d'aviation civil créé par l'Aéro-Club Déodatien. Le dimanche 2 mars 1913, Saint-Dié va recevoir pour la première fois la visite d'un avion militaire. Un biplan piloté par Grézaud accompagné du Lieutenant Observateur Personne décolle de Dogneville de bon matin et via Lunéville, survole Saint-Dié vers 11 heures à environ 1 000 mètres d'altitude. L'avion atterrit volontairement dans un champ à proximité de l'aérodrome civil. Après avoir déjeuné à l'Hôtel Terminus, face à la gare, les deux aviateurs repartent pour Epinal. La presse de l'époque dit que cette première visite d'un avion militaire à Saint-Dié produisit une excellente impression dans la ville.
Début mars ont lieu les manœuvres de Garnison dans les secteurs Nord-Ouest, région de Darnieulles-Uxegney. Comme d'habitude, l'Escadrille d'Epinal y participe. Le Lieutenant Grézaud avec un observateur et le Lieutenant Quennehen avec le Lieutenant Personne comme passager survolent les troupes et observent le déplacement des hommes et du matériel.
Le mercredi 12 mars, le Lieutenant Personne qui revenait seul d'une reconnaissance vers l'Est du département à bord d'un monoplan Borel, ne peut éviter un violent coup de vent au moment de l'atterrissage. Malgré toute l'habileté du pilote, son avion capote en touchant le sol. Le Lieutenant est relevé avec l'épaule droite démise. Le mauvais temps sévit sur notre région pendant ces manœuvres, cependant les Lieutenants Ronin sur monoplan Borel et Quennehen sur biplan Farman effectuent des sorties presque tous les jours pour survoler les environs de la Place d'Epinal. On verra même, le 19 mars le Lieutenant Quennehen braver le vent et la neige pour évoluer au-dessus de la ville en faisant des spirales. Le biplan Farman n'offrait pourtant pas à son pilote un grand confort pour des sorties par mauvais temps, de plus, l'équipement de vol du pilote n'était guère efficace pour le protéger des intempéries. Quennehen avait d'ailleurs pris l'habitude de mettre son képi le devant derrière pour que le vent ne puisse se prendre dans la visière et emporter le képi dans l'hélice qui se trouvait, sur les Farman, derrière le pilote.
Les manœuvres de mars 1913 auxquelles participaient les aviateurs n'étaient pas les premières.
En février, le Général Commandant le 7 ème Corps d'Armée avait prescrit que pour chaque manœuvre de Garnison à laquelle participaient les trois Armes, les Centres d'Aviation de Belfort et d'Epinal devaient prêter leur concours, mais à titre d'observation uniquement. Ils devaient envoyer un rapport au Commandant du Corps d'Armée. Les Officiers Observateurs seraient désignés dans les Garnisons d'Epinal et de Remiremont.
C'est pourquoi, dès le 13 février 1913, une Escadrille d'Epinal avec des Officiers Observateurs survole le secteur du Roulon où se déroulent des manœuvres qui réunissent le 62 ème Régiment d'Artillerie, le 149 ème Régiment d'Infanterie et le 4 ème Chasseur. Le vendredi 21 février les biplans nos 36 et 28, avec le Lieutenant Gignoux et son mécanicien David, et Quennehen avec Cornement comme observateur survolent la vallée de la Vologne et la région d'Eloyes. Le Lieutenant Gignoux atterrit dans la plaine d'Eloyes et son avion est gardé par un détachement du 15 ème Chasseur. Le lendemain, une Commission Parlementaire avec les Députés Painlevé et Bénazet visitent le terrain de Dogneville et le Centre d'Aérostation de la Louvroie.
En dehors des périodes de manœuvres auxquelles ils doivent maintenant participer, nos aviateurs continuent leur entraînement et essayent d'améliorer leurs performances. Par exemple, le mardi 25 février, Quennehen évolue au-dessus de la ville et des environs à 2 300 mètres d'altitude, il termine ses évolutions par un superbe vol plané en spirale. Le même jour, par contre, vers midi, Grézaud avec un Officier Observateur et Quennehen avec le Lieutenant aviateur d'Aiguillon partent déjeuner à Rambervillers peut-être pour fêter l'exploit de Quennehen dans la matinée ! Ils rentrent vers 15 heures. Dans l'après-midi, le Lieutenant Ronin avait lui aussi fait un joli vol au-dessus du terrain.
Il ne faut pas oublier qu'à cette époque, l'aviation militaire en tant qu'Arme n'existait pas, les pilotes étaient tous des volontaires, détachés des Régiments traditionnels ; le livret de bord n'existait pas encore. Les aviateurs étaient un peu des aventuriers, des sportifs, mais avant tout des militaires, ce qui explique leur esprit d'indépendance qui ira, au début de la guerre, jusqu'à considérer leurs ennemis avec un esprit chevaleresque.
N'oublions pas non plus qu'à cette époque, voler était peut-être un sport, une aventure, mais comme toute aventure, elle n'était pas sans danger, les pilotes le savaient. Quand ils réussissaient un exercice de pilotage dangereux, ils faisaient la fête car ils savaient que le lendemain peut-être, ils seraient victimes de leur audace et de leur courage. L'avenir allait le démontrer.
Le mardi 25 mars 1913, le Lieutenant Grézaud accompagné du sapeur Ducloux qui était allé chercher un nouveau biplan Farman au Centre de Saint-Cyr, fait étape au Camp de Mailly. Vers 16 heures, ils arrivent au-dessus de Mirecourt et sont obligés d'atterrir au lieu-dit "le Beaujoly" à proximité de la ferme de Monsieur Marcel Aubry pour refaire le plein d'essence. Immédiatement une foule de curieux se rend sur les lieux de l'atterrissage. Vers 17h30 le Lieutenant reprend l'air mais doit se poser immédiatement par suite d'une panne de moteur. L'appareil pique alors du nez et se retourne. On imagine la panique dans la foule ! Par bonheur les deux aviateurs s'en tirent indemnes, mais leur appareil est hors d'usage. Le lendemain dans l'après-midi entre 15 heures et 16h30, un monoplan piloté par Ronin et deux biplans pilotés par Battini et Quennehen atterrissent au Beaujoly sur les lieux de l'accident alors que d'Autroche les survole sans atterrir.
On voit que le manque de rayon d'action des avions de l'époque oblige souvent les aviateurs à atterrir en catastrophe par manque de carburant. C'est pourquoi, à partir de 1913, des terrains de manœuvres vosgiens vont être aménagés pour pouvoir recevoir des avions.
En octobre 1912, le Ministre de la Guerre avait accordé l'autorisation de créer une station d'atterrissage à Neufchâteau sur le champ de manœuvres. Nous avons vu que dès juillet 1912, Vittel possédait déjà un hangar construit par la Société des Eaux sur le terrain de manœuvre pour y abriter les avions. Au milieu du mois de mars 1913, à Neufchâteau, l'entreprise de Henri Ruellet commence les travaux d'installation d'un hangar d'aviation. Une grande fête est prévue pour l'inauguration. Le 31 mars, deux biplans et deux monoplans partis d'Epinal atterrissent vers 12h30 dans une prairie de Domrémy, sous la basilique de Jeanne d'Arc. Ils reprennent l'air dans l'après-midi. Le même jour, vers 18 heures un biplan d'Epinal atterrit sur le terrain de manœuvre de Neufchâteau pour voir l'avancement des travaux.
Quelques jours plus tôt, le 29 mars, c'était un samedi, un biplan d'Epinal avait fait aux habitants de Nomexy la grande surprise de venir atterrir l'après-midi dans un champ à la "Côte André". La foule était venue ovationner les aviateurs qui étaient repartis après une pause de 20 minutes. Ils évoluèrent au-dessus de leurs admirateurs avant de reprendre la direction d'Epinal.
Le 2 avril, vers 16 heures, Quennehen accompagné d'un Officier du 44 ème Régiment d'Infanterie atterrit à Mirecourt, près du Beaujoly. Il repart aussitôt pour Epinal.