Le 3 avril 1913 se produit un incident qui va provoquer la fureur des Lorrains contre l'Allemagne.
Alors que la cavalerie est à l'exercice, le dirigeable allemand Zeppelin LZ.16 (Z.IV) atterrit sur le terrain de manœuvre de Lunéville vers 13h30. Le Zeppelin avait à son bord une commission militaire composée de 12 personnes dont 3 Officiers en uniforme. Officiellement, le dirigeable parti de Metz pour effectuer une mission d'essai de réception, s'était perdu dans une tourmente de neige, mais pour beaucoup de nos compatriotes de l'époque, c'est l'espionnage qui était le vrai but de la mission. En apprenant cette nouvelle, les Lieutenants Villemin et Brocard quittent Epinal pour aller rendre visite au dirigeable.
La Place forte d'Epinal était équipée depuis 1912 du terrain de Dirigeables de la Louvroie qui abritait le "Capitaine Ferber" et le "Commandant Coutelle". Ces deux dirigeables participaient eux aussi aux manœuvres militaires, et nos aviateurs avaient là l'occasion de pouvoir comparer des engins de fabrication différente, et d'avoir devant eux ce qui pouvait être, à l'avenir, un ennemi qu'ils auraient à combattre.
Les autorités françaises ayant donné aux Allemands l'autorisation de repartir le lendemain à midi 30, d'Autroche, Gignoux et Grézaud ont le temps d'aller survoler le Zeppelin avant son départ pour Metz où il se posera quatre heures plus tard.
Deux jours plus tard, le dimanche 6 avril 1913, Gignoux et Grézaud partent pour un long vol d'entraînement. Ils veulent rejoindre Lyon par la vallée de la Saône jusqu'à Gray. Gignoux qui était accompagné du mécanicien David atterrit à Châlons-sur-Saône vers 12h30 pour refaire le plein d'essence. Grézaud et son mécanicien Gabriel Marin qui avaient dû faire escale à Seurre n'arrivent qu'à 15h45. Le Maire de Châlons offrit le champagne et les aviateurs reprirent leur vol à 18 heures. Une heure plus tard ils arrivent à Tournus pour y passer la nuit. Le lendemain ils repartent à 7 heures du matin pour Lyon et à 8h20 ils atterrissent sur l'aérodrome de Bron.
Le jeudi 24 avril, l'Escadrille Borel va continuer la série noire des accidents commencée le 31 décembre 1912. A 9 heures du matin, le Lieutenant Personne s'envole de Dogneville sur son monoplan Borel.
Le Lieutenant Personne avait déjà eu un accident le 12 mars 1913 à Dogneville. Après avoir pris l'air, il fait quelques tours au-dessus du terrain et atterrit. A 10h40, il remonte dans son appareil et décolle. Alors que son avion n'est qu'à 35 mètres au-dessus du sol, il veut virer mais l'appareil glisse sur l'aile et s'écrase sur le terrain. Le Lieutenant Personne atteint de nombreuses contusions est transporté immédiatement à l'Hôpital Saint Maurice où il reçoit peu après la visite du Capitaine Néant, Chef du Centre d'Aviation d'Epinal.
Le samedi 26 avril voit la clôture de la souscription publique en faveur de l'aviation militaire. La souscription a rapporté 57 109 francs 70 dans le département des Vosges.
Après une période de reconnaissance des lieux possibles d'atterrissage dans la région, puis de vols d'entraînement pour tester la maniabilité des appareils, les pilotes vont commencer, au mois de juin, à s'exercer au lancement des bombes. Battini, Bordes, d'Abrantès et d'Autroche font de fréquentes sorties pour mettre au point une tactique qui doit leur permettre le plus de précision possible. C'est lors de l'un de ces essais de largage en piqué que d'Autroche trouvera la mort quatre mois plus tard. Ces vols quasi quotidiens des appareils du terrain de Dogneville attiraient de nombreux curieux. L'aérodrome était même devenu une "attraction touristique", une ligne de transport avait même été organisée entre la gare et le terrain d'aviation. Un tramway partait de la gare, descendait la Rue Léopold Bourg jusqu'au Quai des Bons Enfants. Là, les visiteurs prenaient le car de Golbey jusqu'à l'octroi Rue de Nancy. A pied, ils traversaient le pont sur la Moselle, en face de l'usine à gaz et arrivaient au Port du Canal de l'Est. Là, un service de canot automobile qui fonctionnait de 14 à 19 heures les menait jusqu'au camp d'aviation.
Le 18 juin va marquer le point de départ d'une nouvelle série d'accidents qui se terminera tragiquement en octobre par la mort de trois de nos aviateurs.
Ce jour-là, vers 5h30 du matin, le monoplan Borel piloté par le Lieutenant Personne venant de Vichy et regagnant Epinal, fait un atterrissage forcé dans un champ de seigle sur le territoire de L'Hôpital-le-Mercier en Saône-et-Loire. L'avion se retourne complètement et le Lieutenant, prisonnier sous l'appareil, doit être dégagé par deux cultivateurs témoins de l'accident. Transporté à la ferme voisine, il reçoit les premiers soins. Heureusement, il n'est que très légèrement blessé.
Il faut rappeler que le Lieutenant Personne avait déjà été victime d'accidents semblables les 12 mars et 13 avril 1913 à Dogneville.
Le 19 juin est une journée plus favorable pour les aviateurs. Vers 6h30 du matin, un biplan d'Epinal piloté par un Sous-Officier et un sapeur atterrit à proximité de Bains-les-Bains où il était attendu. Nos pilotes se font applaudir par une partie de la population qui était venue pour les accueillir malgré l'heure matinale. A 10h30 un autre biplan atterrit au même endroit. Les aviateurs sont reçus par un de leurs amis demeurant à Bains. Un déjeuner leur est offert. Ils repartent vers 6 heures du soir devant environ 2 000 personnes venues des communes des environs. Les usines avaient fermé de bonne heure pour permettre aux ouvriers d'aller voir les avions qui décollèrent en emportant deux énormes bouquets de fleurs.